"Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins" : l’entraîneur de l’US Orléans Bernard Casoni accusé de racisme
Loiret
De Arnaud Roszak
Lundi 9 octobre 2023 à 18:00
Par France Bleu Orléans , France Bleu
Plusieurs joueurs de l’US Orléans rapportent des propos à caractère raciste prononcés par l’entraîneur Bernard Casoni au sein du club, une information de France Bleu Orléans. Un enregistrement sonore étaye cette version. Contactés, l'entraîneur et son président Philippe Boutron se défendent.
La crise à l’US Orléans est en train de s’intensifier et de prendre une autre tournure. Une fracture est déjà actée entre plusieurs membres du vestiaire et l’entraîneur du club Bernard Casoni comme l'a déjà révélé France Bleu Orléans. Au-delà des mauvais résultats (et cette avant-dernière place au classement en National), la méthode du coach est pointée du doigt. Sa gestion de l’effectif pose notamment problème. Bernard Casoni n’hésite pas à mettre certains joueurs à l’écart pour les piquer dans leur orgueil, sans que ce soit toujours perçu comme justifié par les principaux concernés.
Mais d’autres reproches, plus graves, sont adressés au tacticien arrivé dans le Loiret en juin dernier. D’après nos informations, cinq joueurs de l’USO (des titulaires et des remplaçants) font part de propos à caractère raciste tenus par Bernard Casoni au sein du club. Plusieurs membres de l’organigramme des Jaune et Rouge confirment ces propos. Certains ont même été tenus lors d’une conférence de presse à laquelle nous avons assisté.
La scène se déroule le 21 septembre dernier, à la veille du match entre l’USO et Châteauroux. L’entraîneur, qui sait le micro de France Bleu Orléans allumé, est interrogé sur les difficultés qu’il rencontre pour que son groupe adhère à ses principes. Voici sa réponse : "Ils (les joueurs) ont des trucs où ils excellent. Mais il y a des choses où ce n’est pas suffisant. C’est là où tu dois être plus performant, où tu dois gommer ça. Mon rôle, c’est de leur dire, de leur montrer et de les aider à résoudre les problèmes. Voilà, c’est tout. Je l’ai fait dans tous les clubs où je suis passé, je l’ai fait avec des Maghrébins ! Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins hein… Je veux dire, voilà, c’est le rôle d’un entraîneur".
"Pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs"
Dans cet extrait, Bernard Casoni fait référence à ses expériences dans des clubs algériens, marocains et tunisiens. D’après nos sources, la phrase "Vous n’êtes pas plus cons que des Maghrébins" est utilisée très souvent par Bernard Casoni. "Le premier contact avec Bernard Casoni se fait par téléphone, il venait de signer à l’USO, se souvient un joueur phare du onze orléanais. Au bout de cinq minutes de conversation, le coach me dit “Vous n’êtes pas plus cons que des Maghrébins, on va y arriver". Un cadre de l’équipe abonde : "J’entends souvent cette comparaison de la part de l’entraîneur". Un troisième joueur poursuit : "Cette phrase sur les Maghrébins, on l’entend toutes les deux semaines à l’entraînement".
Selon plusieurs témoignages concordants, ce ne sont pas les seuls propos choquants tenus par Bernard Casoni en interne. Exemple avec cette scène qui se déroule pendant un entraînement, au milieu du mois d’août. Un joueur de l’USO raconte. "Nous étions en train de faire un exercice où deux équipes s'affrontent en cinq contre cinq. Mon équipe était composée uniquement de joueurs de couleur. Là, le coach dit, 'pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs', soi-disant sur le ton de l’humour. Moi, ça m’a choqué". Un autre joueur présent à ce moment-là confirme les propos tenus par Bernard Casoni.
"Je n’ai jamais connu un coach comme ça dans ma carrière"
Un autre moment de la vie du club a marqué plusieurs Orléanais. Nous sommes à quelques jours de la reprise de la compétition. Les joueurs sont dans le vestiaire. Ils se préparent pour aller s’entraîner quand l’un d’eux, pour la blague, pète et provoque l’hilarité de ses collègues. Bernard Casoni, passant dans les couloirs à ce moment-là, s’exclame : "C’est un pet de noir, ça". Certains sont effarés par la réaction de l’entraîneur. "J’ai regardé mon coéquipier à côté de moi, on s’est dit, il est vraiment très limite le coach", souffle un joueur, encore choqué aujourd’hui.
D’une manière générale, la brutalité de Bernard Casoni dérange beaucoup au sein du club. Selon les différents témoignages recueillis, le technicien cannois est coutumier des réflexions blessantes. "Dans sa façon de s’exprimer, je n’ai jamais connu un coach comme ça au cours de ma carrière. Et je suis dans le football depuis longtemps" déclare un joueur de l’USO contacté par France Bleu Orléans. Il est question ici d’injures, de mots très offensants. "L’entraîneur m’a violemment insulté, devant témoins, sur ma condition physique, pas assez bonne selon lui" raconte un Jaune et Rouge.
"Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire"
30 sélections avec les Bleus, plus de 200 matches et une Ligue des champions avec l’OM de Bernard Tapie, Bernard Casoni, 62 ans, est un grand nom du football français. Combatif, rugueux, l’ancien défenseur est aussi connu pour ne pas avoir sa langue dans sa poche face à la presse. Comme en témoigne cette déclaration dans les colonnes de L’Equipe en novembre 2014. Le tacticien officie alors sur le banc de Valenciennes en Ligue 2.
Bernard Casoni est interrogé sur la polémique déclenchée par l’entraîneur de Bordeaux Willy Sagnol. Quelques jours auparavant, ce dernier a lâché : "L'avantage du joueur typique africain, c'est qu'il n'est pas cher quand on le prend, il est prêt au combat généralement, il est puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n'est pas que ça. C'est aussi de la technique, de l'intelligence, de la discipline". De nombreux acteurs du football sont très choqués, comme Lilian Thuram ou Antoine Kombouaré. Ce n’est pas le cas de Bernard Casoni : "Il (Willy Sagnol) a dit ce que beaucoup pensent, à savoir que les jeunes recrutés en Afrique n'ont pas la même formation, la même culture tactique. Mais aujourd'hui, on ne peut plus rien dire". L'Équipe, 6 novembre 2014.
"Il faut blanchir l’effectif"
Bernard Casoni ne sera resté que sept mois sur le banc du VAFC, de juillet 2014 à février 2015, mais son passage dans le Hainaut a laissé des traces. "Sa relation était très compliquée avec les joueurs, se souvient l’un des actionnaires du club à cette époque. Ils se plaignaient régulièrement de son attitude agressive. On ne pouvait pas discuter avec lui". Un constat partagé par un journaliste qui suivait l’équipe de Valenciennes au quotidien cette saison-là : "J’avais des remontées inquiétantes du vestiaire. On me racontait qu’il était catastrophique sur le plan humain. Dans sa tête, il était toujours dans les années 90. Bernard Casoni n’a pas compris que le monde avait changé". Aujourd’hui, un ex-cadre de l’USO confirme cette impression. "Pour moi, Casoni est l’incarnation du racisme ordinaire, explique-t-il. Il ne se rend pas compte de ce qu’il dit".
Selon cette même source, Bernard Casoni a demandé à ce que l’effectif orléanais "soit blanchi". Une demande formulée auprès de Matthieu Ligoule. Cet ancien joueur de l’US Orléans est le responsable de la cellule de recrutement du club depuis de nombreuses saisons. Sur le sujet, Matthieu Ligoule ne confirme pas les propos, mais ne les contredit pas non plus : "Est-ce que l’entraîneur m’a demandé de blanchir l'effectif ? Je ne peux pas vous répondre. Il ne faut pas sortir cette phrase de son contexte. Il ne faut pas déstabiliser le club". D’après nos informations, plusieurs membres de l’organigramme des Jaune et Rouge seraient au courant de cette demande faite par Bernard Casoni au début de l’été.
Bernard Casoni réfute les accusations de racisme, son président dénonce une attaque contre son club
Contacté par France Bleu Orléans, l’entraîneur de l’USO réfute les accusations de racisme."Ma phrase sur les Maghrébins en conférence de presse ("Ils ne sont pas plus cons que des Maghrébins"), c’est pour dire à mes joueurs qu’ils sont aussi intelligents que des Maghrébins, répond Bernard Casoni. J’ai bossé six ans là-bas et vous pensez que je suis raciste ?" Concernant sa demande de "blanchir l’effectif", Bernard Casoni affirme ne pas avoir employé cette expression. "Je n’ai jamais demandé à blanchir l’effectif, moi je veux simplement qu’il y ait un équilibre dans l’équipe. Il ne faut pas qu’une communauté soit trop représentée. S’il y a trop de créoles, ce n’est pas bon. Pareil s’il y a trop d’africains ou trop de blancs". Enfin, au sujet de cette phrase prononcée lors d’un entraînement, "pas besoin de chasubles pour eux, ils sont déjà noirs", le coach s’explique : "C’est du chambrage ! Je suis un gars du sud, c’est du football, ce n’est que du chambrage. Aujourd’hui, on ne peut plus rien dire."
De son côté, Philippe Boutron, le président de l’US Orléans, affirme ne jamais avoir entendu parler d’une volonté de "blanchir l’effectif" de la part de son entraîneur, avant d’ajouter : "Votre objectif, c’est de tuer le club. Vous êtes dans une entreprise de destruction. Vous faites comme dans l’affaire Christophe Galtier (ex-entraîneur du PSG). Bernard Casoni a certainement eu des maladresses de langage mais il est tout sauf raciste. Il n’y a pas de racisme dans le football".
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