Messagepar djej » 30 mai 2022, 17:30
CHAP 2 La semaine
« Une semaine chez nous, c’est Jean-Marc au centre du système. Ma priorité, et ça a toujours été comme ça entre nous, c’est lui. Après chaque match du week-end, il m’imprime son programme de la semaine et je l’accroche sur le frigo. Je lui demande toujours s’il a des obligations supplémentaires qui ne seraient pas inscrites noir sur blanc. Histoire de ne rien oublier. Puis, je calque mon emploi du temps sur le sien. J’organise mes rendez-vous, mes déplacements en fonction de sa présence. J’en viens parfois à me dire : « Tiens, je suis à J-2 du match », alors que je ne joue pas… Et heureusement pour tout le monde !
J’ai ce questionnement permanent : comment organiser notre quotidien pour faciliter son travail, sa récupération, sa tranquillité d’esprit ? Au cours de sa semaine, je veux faire en sorte qu’il n’ait rien d’autre à penser que ses entraînements et la performance à venir. L’idée est qu’il dispose de toute son attention, de toutes ses forces pour être pleinement présent et efficace dans son métier. Je l’assume sans détour : dans notre quotidien, tout est organisé pour lui, pour faciliter sa vie et l’aider à porter le poids qu’il ressent parfois sur ses épaules.
Cette philosophie agace certaines de mes connaissances ou amies, mais c’est difficile à comprendre quand on ne le vit pas de l’intérieur. Je vais essayer de vous l’expliquer. Les gens ne se rendent pas toujours compte mais, depuis de nombreuses années, l’entraîneur de football de haut niveau n’est plus seulement le gars en short avec un sifflet autour du cou. Sa semaine est loin de se résumer à passer deux heures par jour sur le terrain à diriger des entraînements. L’ampleur et l’étendue de ses tâches sont d’ailleurs devenues effrayantes.
Alors, bien sûr, Jean-Marc est « un short » et « un sifflet ». Il fait d’ailleurs partie des entraîneurs qui continuent à créer et animer leurs séances d’entraînement. Il adore réfléchir à leur création, composition, s’informer sur ce qui est réalisé ailleurs, s’en inspirer. À ce sujet, c’est un chercheur permanent. Il parle d’ailleurs de ce travail comme d’une distraction qui lui offre de se changer les idées. Ce mode de fonctionnement lui permet de transmettre sa philosophie de jeu, l’une des rares certitudes de sa vie. Tous les deux jours, ses équipes doublent (elles s’entraînent matin et après-midi). En France, c’est plus que la moyenne. Rien ne l’énerve plus que de s’entendre dire que les joueurs sont fatigués et/ou en situation de surentraînement. Sujet à risques… S’abstenir !
Jean-Marc est un dernier mot. Pour tout. Il est à l’origine, au virage et à la conclusion du travail vidéo, de la préparation physique, mentale, de la récupération… Bien sûr, il a un staff élargi qui gère avec efficacité ces tâches au quotidien. Heureusement. Mais c’est Jean-Marc qui est à la baguette, dicte les orientations et prend les décisions.
Jean-Marc est un manager. Il gère un groupe d’environ trente personnes, donc autant de personnalités, de corps et d’egos. Il doit être attentif à tout, tout le temps. Il est tenu de garder la tête froide lorsque tout le monde s’affole afin de protéger son groupe de l’environnement, des critiques, des phrases toutes faites, des recettes miracles des uns et des autres. Il est de notoriété publique que tout le monde « sait » comment il convient d’agir dans le football…
Jean-Marc est une oreille. Depuis de nombreuses années, il multiplie les entretiens individuels avec les garçons. Il n’en fait jamais plus de trois dans une journée, car il les écoute, vraiment. C’est un exercice qui prend du temps, de l’énergie et demande beaucoup de présence, mais il est nécessaire. Les joueurs en ont besoin. Ce sont les rares moments où Jean-Marc les extrait du groupe et leur montre qu’il les voit eux, en tant qu’individu.
Jean-Marc est une vigie. Le poste d’entraîneur étant en première ligne, il doit aussi veiller à développer et entretenir une relation avec le directeur sportif, le directeur général, le président, les actionnaires. Il passe régulièrement au centre administratif. Il aime plaisanter avec tout le monde, échanger. Sa relation avec ses attachés de presse est toujours spéciale et je dois leur attribuer beaucoup de flegme car Jean-Marc n’est pas toujours facile à driver… Les jardiniers sont également des personnes importantes à ses yeux. Sans parler du chauffeur de bus qui, à l’heure actuelle, est son « sponsor chocolat » n°1. Il multiplie ces moments par plaisir, le côté humain compte beaucoup pour lui, mais aussi afin de « surveiller tout l’horizon ». Le caractère systémique de la réussite est au cœur de ses préoccupations.
Jean-Marc est une patience. Il prend toujours le temps de s’arrêter, de discuter, d’échanger avec les supporters de ses clubs. Même en situation de crise, même lorsqu’ils sont désagréables, il leur répond avec calme. Toujours. Il m’impressionne. Pourtant, il arrive que certains nous « bousculent » dans notre quotidien, dans la rue ou au restaurant, et jamais je ne l’ai vu perdre son sang-froid face à ces situations. Dans ce genre de moments, c’est plutôt de moi qu’il convient de se méfier…
Jean-Marc est un communicant. Il se rend en conférence de presse toutes les semaines, c’est la règle du jeu. Il donne des interviews individuelles, répond à une offre média qui s’est étoffée et diversifiée. Sans oublier les partenaires, qui souhaitent parfois sa présence pour telle ou telle opération. Puis, ne sous-estimons pas le nombre de courriers qu’il reçoit, les centaines de sms qui inondent son portable pour les grandes occasions. Les gens lui écrivent de la France entière. Il aimerait répondre à tous, mais ne dispose pas du temps nécessaire. Et ça l’ennuie. Croyez-moi : l’entraîneur aurait besoin d’un secrétariat.
Jean-Marc est une « incarnation ». Il est l’un des visages de « l’équipe référence » de la région. Les sollicitations sont par conséquent nombreuses : un petit club du coin fête son anniversaire et désire une vidéo ; un autre aimerait qu’il soit présent pour l’inauguration d’un terrain, d’un vestiaire. Parfois, le maire l’invite pour ses vœux ou toute autre manifestation. Les demandes se sont beaucoup diversifiées ces dernières années et il est souvent difficile de satisfaire tout le monde.
Pour Jean-Marc, l’ensemble de ces tâches relève d’une certaine logique. Il a cette phrase, de temps à autre : « Nous, entraîneurs, joueurs, appartenons au peuple. » Je suis en total désaccord avec ça. Parvenons à nous appartenir à nous-mêmes déjà ! En même temps, je comprends qu’il ait cette impression. Face à la variété de ses tâches, Jean-Marc court constamment contre le temps. Ses journées ne sont jamais assez longues. Le soir à table, il râle souvent contre lui-même, me disant qu’il n’a pas réussi à tout faire, à répondre à toutes les attentes. Il se focalise sur les tâches qu’il n’a pas pu accomplir et minimise le reste. Il ne veut pas décevoir les gens et tout manquement le peine sincèrement.
C’est parce que son travail est d’une folle densité que Jean-Marc est la priorité de mon quotidien. Je veux le « placer » dans les meilleures dispositions. Pour faciliter les prises de décisions, il est important qu’il soit le plus « frais » possible dans sa tête. Par conséquent, je veille à installer une certaine routine dans notre vie. C’est une base saine, paisible, rassurante. Elle permet de mieux accepter, gérer les imprévus, omniprésents dans le sport de haut niveau, où il convient sans cesse de s’adapter aux blessures des uns, aux soucis des autres, à l’exigence de l’environnement…
C’est très contrariant lorsque notre petit équilibre se brise, que les rares moments où nous avions prévu de profiter deviennent un simple instant où nous nous croisons. Après vingt ans de vie commune, Jean-Marc et moi adorons passer du temps ensemble. C’est aussi pour cela que je calque mon emploi du temps sur le sien, pour pouvoir bénéficier de chaque interstice, de chaque coin de ciel bleu dont nous pouvons nous enrichir l’un l’autre.
Je me lève donc à la même heure que lui. Il a l’habitude d’arriver au stade aux alentours de 9 h chaque matin. Je commence mes rendez-vous souvent plus tard dans la matinée, donc je pourrais rester au lit, grappiller du sommeil, mais je tiens à commencer ma journée avec lui. Il se prépare, je fais le petit-déjeuner. J’adore cuisiner. Une fois prêt, il entre dans la cuisine, s’approche de sa tablette et me demande, très souvent : « Mon cœur, tu veux écouter quoi comme musique ce matin ? » Sachez qu’il y a toujours un fond musical chez nous. Nous aimons les belles voix, comme Adèle, ou les standards de la chanson française de toutes les générations : Chimène Badi, Céline Dion, Vianney, Christophe Maé, Johnny… Sans oublier nos amis belges : Stromae et Angèle. Et tant d’autres.
Ces matins sont des moments précieux. Nous nous retrouvons là, le soleil irradiant parfois la cuisine, à prendre le thé et le café, à écouter de la musique et à observer le bal des oiseaux sur la terrasse, picorant les graines que je place dans leur petite cabane. Pas de journaux sur la table (nous ne les lisons jamais), pas de vie du club dans nos conversations. Nous échangeons sur nos lectures en cours, sur nos semaines, sur nos familles. Je chante, aussi. Jean-Marc aime m’entendre fredonner des mélodies. Nous prenons de la hauteur. Nous prenons le temps. Nous sommes heureux, tout simplement. Puis, il part et chacun commence sa journée de travail.
Les jours où il double les entraînements, il déjeune au stade mais rentre toujours en début d’après-midi pour faire une sieste d’une heure. C’est sacré pour lui. C’est devenu sacré pour moi. Je bloque toujours ce créneau. Je m’assois dans le canapé. Je ne dors pas. Je lis, je réponds à des mails, je regarde la tablette. Et je veille surtout à ne faire absolument aucun bruit. Je profite de sa présence, tout simplement, avec la musique en fond, toujours. Puis, il repart au stade et je retourne à mes rendez-vous.
Nous nous retrouvons à la maison aux alentours de 20 h. Quand Jean-Marc a fini sa journée, il est extrêmement facile à vivre. Il ne demande et n’impose jamais rien. Alors quand il rentre, que je lui demande ce qu’il a envie de manger ou de faire de sa soirée, il me répond tout le temps : « C’est comme tu veux mon cœur. » Et si j’insiste, il ajoute : « Des choix, j’en fais toute la journée. Comme tu décides, ce sera bien. » Oui, entraîner, c’est choisir. Tout le temps. Vous savez, Jean-Marc ne se sépare pas de son « costume d’entraîneur » quand il ferme la porte d’entrée de la maison. Loin de là. Le soir, il arrive fréquemment qu’il soit à la fois présent et absent, dans un espace-temps entre le club et la maison. Physiquement, il est assis là, avec moi. Mais dans sa tête, il est encore à l’entraînement, il se projette dans la performance à venir. Plein d’idées se bousculent. Il ne s’en rend souvent pas compte.
Parfois, sa présence, pleine et entière, me manque. Mais ce n’est pas frustrant, je l’ai toujours connu comme ça. Je m’adapte à ses absences. Au fil des années, elles sont devenues des « colocataires ». Elles sont deux sœurs, d’ailleurs. Il y a les absences de quête, de recherche, de créativité. Elles sont faciles à distinguer : dans ces moments-là, Jean-Marc est entouré de dossiers, de livres et soudain il prend son stylo et son cahier pour coucher sur le papier ce qui lui passe par la tête. Quand il est dans la création, je le laisse dans son monde. Je sais que c’est un moment précieux qui lui permet à la fois de se changer les idées et d’avancer dans la gestion de son équipe.
Bon, je reconnais que je ne résiste parfois pas à l’envie de m’amuser. Quand je vois que je parle et qu’il ne m’écoute pas, je le teste en lâchant une grosse bêtise : « J’ai dévalisé la banque de la rue principale aujourd’hui », pour voir s’il revient à moi. Parfois, il sursaute et me dit : « Hein ? Quoi ? ! » Et nous en rions. D’autres fois, il ne réagit pas et là, je me dis qu’il est vraiment dans ses pensées. Je le regarde alors vivre cette implication totale, ce flow cher aux athlètes de haut niveau, et je le laisse travailler.
Et il y a ces autres « colocataires », ces autres « absences de présence » de Jean-Marc. Ce sont des moments plus graves, des moments de frustration, de contrariété, de doute. Elles se reconnaissent au premier coup d’œil : ses yeux se creusent profondément en l’espace de deux heures, son regard se fait dur et ses mâchoires se serrent. C’est fou comme son visage peut changer si vite, j’en ai toujours été impressionnée. Là, je considère que c’est ma responsabilité de le ramener à la réalité, au présent. Pour cela, la cuisine est une arme redoutable. Chez nous, les pires moments de doute se compensent avec les meilleurs repas. Quand il est vraiment peiné, le dîner devient gastro : j’ouvre une bouteille de champagne, je sors la boîte de foie gras de ma grand-mère – nous venons du Sud-Ouest, ne l’oubliez pas ! -, je fais cuire les Saint-Jacques dans la poêle – une pensée pour mes regrettées Saint-Jacques de la Rade de Brest -, je mets un bon poisson dans le four et je prépare une belle poêlée de légumes comme il les aime.
Je lui dis souvent dans ces moments-là : « Jean-Marc, regarde : nous sommes là, ensemble, heureux, en bonne santé. Tes enfants vont bien. Certes, nous perdons en ce moment, mais nous travaillons dur. Parfois, les choses nous échappent mais c’est la règle du jeu. ». Pour les moments vraiment difficiles, sachez que j’ai deux bottes secrètes : le tiramisu en dessert – il reste fidèle à ses origines italiennes. Et le chocolat, dont il est totalement barjot : je peux mettre une tablette sur la table et il la dévore dans la soirée. Je suis obligée de réglementer les carrés ! Plus sérieusement, je refuse que le résultat d’un match de football dicte nos humeurs, nos émotions et notre vie entière. Une passion est un cadeau tant qu’elle est harmonieuse, si elle devient obsessive, elle devient dangereuse. Je veille donc à protéger sa passion pour le football comme il convient de protéger une relation.
Et puis, certains soirs, Jean-Marc a envie de parler. Il me raconte ses journées, il partage ses hésitations. Il en ressent le besoin car je crois être l’une des seules personnes de son entourage, avec ses enfants, qui lui dit toujours ce qu’elle pense. C’est une qualité assez rare dans le monde du football… Alors, oui, je ne lui dis pas ce qu’il veut entendre. Il le sait et je pense que ça l’aide dans sa réflexion même si je lis parfois sur son visage qu’il me réserve un traitement de faveur en accueillant mes propos sans s’agacer. Je pense sincèrement qu’il « recherche » ces désaccords. Nous ne faisons pas qu’entendre les propos de chacun. Nous nous écoutons.
Avec moi, il peut raconter ce qu’il veut, décharger le poids qu’il souhaite. Il partage souvent ses analyses, ses perplexités, ses interrogations sportives sur le groupe qu’il alignera le week-end. Là, je l’écoute, j’accueille ses arguments, mais, à aucun moment, je ne juge. Je ne suis pas là pour le conseiller de choisir tel ou tel système ou joueur, beaucoup d’autres s’en chargent déjà ! J’en suis bien évidemment totalement incapable et mon rôle est ailleurs. Je suis juste là pour lui donner toute mon attention, lui poser les questions qui pourront l’aider à clarifier sa pensée. « La mise en récit » est un outil pertinent pour accompagner les prises de conscience et les décisions.
Il m’arrive en revanche de partager mon ressenti, mon avis sur la gestion humaine des joueurs. Il serait regrettable que mon doctorat de psychologie du sport lui soit inutile. Je me souviens d’une anecdote toute simple lors de l’une de nos collaborations professionnelles. Dans l’effectif, nous avions un joueur qui, dès qu’il entrait dans un bureau, croisait les bras, s’asseyait au fond de sa chaise, et fronçait les sourcils. Et celui du coach ne faisait pas exception. Durant les mois précédents, il avait passé une bonne partie de sa vie dans les cabinets de nombreux médecins, pour cause de soucis de santé. J’avais suggéré à Jean-Marc de le convoquer hors de son bureau, au bord du terrain ou sur la pelouse. Il avait tenté l’expérience ce qui avait fluidifié leurs échanges et leur relation. Ils s’en amusent tous les deux beaucoup aujourd’hui.
C’est difficile de prendre soin des autres si vous ne prenez pas soin de vous. Pour être pleinement à l’écoute, apporter la présence qu’il convient, il est important que je sois équilibrée. Je peux me confier à Jean-Marc, mais je ne peux ni ne veux lui parler de tout. Je suis là pour l’alléger, non pour l’alourdir. Je lui raconte mes cours universitaires en psychologie du sport, je lui parle des étudiants et de leurs travaux. Je lui demande son avis sur une présentation pour une conférence.
Mais je n’échange pas sur les athlètes avec lesquels je travaille en préparation mentale. Je ne l’ai jamais fait. C’est confidentiel. C’est une barrière que nous avons toujours respectée. Cependant, il arrive que des joueurs me racontent des choses lourdes, pesantes, des histoires de famille dures, violentes, que j’ai besoin d’évacuer. Nous parlons très peu de la santé mentale des joueuses et joueurs de football, des cas de dépressions. Rares sont les acteurs d’une profession à être autant mis en lumière et pourtant si mal connus. J’aurais l’occasion de vous en parler lors d’une prochaine chronique.
Bref, l’empathie dont vous faites preuve dans les professions d’accompagnement puise à l’excès dans votre énergie mentale ce qui peut conduire à une véritable « fatigue de compassion ». Pour l’éviter, ma maman Michèle est une merveilleuse confidente de tous les instants mais, en tant qu’intervenante, cela ne peut me suffire. Je veille donc à consulter une psychologue lorsque c’est nécessaire afin que la qualité de la prise en charge que je prodigue aux athlètes ne soit pas altérée.
Durant nos semaines avec Jean-Marc, nous essayons de nous créer des bulles pendant lesquelles nous coupons, nous soufflons et nous nous régénérons. Elles sont fréquentes en lendemain de matches. Nous passons ces moments à la maison, tranquille, tous les deux. Nous avons une grande passion commune : la lecture. Nous pouvons lire chacun trois à quatre heures d’affilée dans le canapé du salon. Nous aimons partager nos lectures, nos goûts, nous conseiller. Nous aimons les polars (Bussi, Minier, Nesbo, May…), les biographies d’athlètes, les livres de développement personnel, comme ceux de Christophe André, ou de psychologie positive, qui peuvent semer des graines dans son esprit pour son travail. Nous avons également chacun notre « jardin » : des ouvrages de psychologie du sport pour moi et des livres de football, de systémique pour lui. Vous l’aurez compris, le foot et le travail ne sont jamais bien loin dans nos vies.
Le ballon rond envahit parfois l’écran de notre TV. Je suis d’ailleurs beaucoup plus souvent au courant que lui des matches diffusés dans la soirée. Nous en rigolons. Je lui demande s’il veut les regarder, et il me répond fréquemment : « Oh, non, mets plutôt une série que tu aimes. » Il « mange » du foot toute la journée, alors, le soir, il a envie de quelque chose qui le recentre, l’apaise, et lui offre de faire le tri dans sa tête. J’ai la même logique que lui : je préfère les films policiers ou fantastiques que les histoires de vie, de séparation, de doute, que j’entends régulièrement lors des entretiens individuels. Nous n’avons pas envie de regarder des programmes qui nous torturent. Nous avons besoin d’être amenés ailleurs, de nous évader loin de ce qui tourne en boucle dans nos esprits.
Disons-le clairement : nous avons très peu de vie sociale. En vingt ans, nous avons dû aller deux fois au cinéma. C’est à la fois choisi et subi. Nous avons des vies très dynamiques, constamment au contact des gens, donc nous aimons être tranquilles chez nous quand nous avons du temps. Puis, sortir, a fortiori en périodes de défaites, c’est devoir se blinder, prendre le risque d’être reconnu, apostrophé, parfois critiqué, voire menacé. Je vous en parlerai bientôt.
Jean-Marc et moi adorons voyager. Nous sommes amoureux de la Grèce, de la Crête en particulier. Nous y allons quasiment chaque année. Nous avons également un petit faible pour l’Asie. Mais nous avons des vies prenantes, qui empêchent de partir loin pendant longtemps. Alors je compense. Le salon de la maison est une invitation au voyage. J’ai habillé la pièce de Bouddhas, de meubles rouges asiatiques, de lumières tamisées, de bougies. C’est calme, à l’opposé de l’agitation extérieure du quotidien. C’est un cocon, parfait pour que Jean-Marc soit serein, s’évade et débranche.
Voici à quoi ressemblent nos semaines avec Jean-Marc. C’est une vie de fous pour certains, mais c’est une vie fluide, une routine rassurante, une organisation millimétrée et nécessaire pour vivre avec sérénité, pour être heureux. Cette semaine, c’est un ensemble de repères précieux, de refuges, avant la tempête que représente, chaque week-end, le match. Je vous la raconterai lors de ma prochaine chronique. Prenez soin de vous et à vendredi prochain. »